Image miraculeuse
Motif iconographique
Le manuscrit des Miracles est particulièrement riche en enluminures qui illustrent des épisodes mettant en scène des images de la Vierge, qu’il s’agisse d’images mentales ou d’images matérielles telles que les statues. Au fil des récits, on y montre des statues qui s’animent, qui saignent, qui accomplissent des miracles car elles sont habitées par leur prototype : elles deviennent des corps dans lesquels la présence divine peut descendre et ainsi agir dans le monde terrestre, produire des miracles, convertir de nouveaux fidèles ou en protéger d’autres.
La lettrine du frontispice est à cet égard un exemple assez éloquent de la façon dont le manuscrit rend compte de la nature de ces images miraculeuses : le moine est agenouillé en prière devant un autel sur lequel est posée l’image de la Vierge. Il est important de souligner que c’est bien de cela qu’il s’agit : la Vierge est de petite taille, debout sur un autel couvert d’un linge. À la fois convention iconographique et description d’une réalité historique, ce type de dispositif sert, tout au long du manuscrit, à indiquer qu’il s’agit bel et bien d’une statue de culte placée dans une église. Pourtant, cette statue, fut-elle faite de main d’homme, est apte à recevoir la présence divine, qui s’exprime et agit par son intermédiaire : c’est la capacité de l’image à établir un lien substantiel qui est ici en jeu, puisque la mimêsis rend la matière capable de devenir un lieu de présence du divin. Le lien image/prototype est fermement affirmé comme étant un lien entre les choses, une relation substantielle qui permet la convocation du sacré et sa mobilisation par la prière d’une part, et par la volonté du prototype d’autre part.
L’image insiste en outre sur le rôle de médiateur que peut posséder l’image-corps, bien que cette emphase soit également liée au fait qu’il s’agisse d’une représentation de la Vierge, qui est le premier intercesseur auprès de Dieu. L’alignement des figures trace une diagonale sur laquelle le visage de la statue s’interpose entre le moine et Dieu : derrière l’image, une présence divine tire les ficelles du miracle et renforce la dimension spirituelle de la scène.