Âges du monde
Motif iconographique
Comme beaucoup de diagrammes du manuscrit, celui-ci adopte une forme circulaire, ici partitionnée en six panneaux. Ils sont distribués selon un sens de lecture rotatif anti-horaire pour figurer les six âges du monde, ici adaptés par l’auteur à partir de la description qu’en donne Augustin d’Hippone (De Genesi contra Machineos, I, 13-15 ; Cité de Dieu, XX, 23) : le premier âge du monde va de la Création (Adam et Eve en haut à gauche) à Noé (figurés avec ses vignes) ; le deuxième âge va de Noé à Abraham (le sacrifice d’Isaac, est figuré tout en bas) ; le troisième âge du monde va d’Abraham à Moïse (présenté avec les Tables de la Loi) ; le quatrième âge va de Moïse à Salomon (assis devant le Temple), et le cinquième, de Salomon au Christ. Le sixième âge du monde tout en haut va de la naissance du Christ jusqu’au Jugement dernier et figure le temps de l’Eglise.
La représentation du lieu de culte en haut de l’image est remarquable : son clocher s’élance par-delà le cercle et le cadre, et rompt avec le reste de la composition. La porte ouverte dans le clocher explicite ce en quoi consiste l’ordre nouveau instauré par le sacrifice du Christ, puisqu’elle permet de voir la célébration eucharistique à laquelle se joint un catéchumène, lors de sa première communion (c’est-à-dire lors de son entrée définitive dans l'église/Église). Malgré la circularité incarnée par le format d’une roue de fortune et évoquant la mutation à travers les âges, on comprend donc que le temps historique est orienté.
Outre cette dimension téléologique, le temps orienté vers le Salut est également segmenté et qualifié dans sa distribution historique : d’Adam et Eve jusqu’au sacrifice d’Isaac en bas, il correspond à un mouvement de chute, auquel succède un mouvement ascendant qui passe par Moïse, Salomon et s’achève avec la Vierge à l’Enfant et l’image de l’Église.
Au centre de l’image, le phylactère tenu par l’ange n’a pas reçu d’inscription, mais d’autres versions de l’œuvre renseignent sur le texte que l’on peut y trouver: « per est angel la deitaz munda los tems et las etats » (« par cet ange la divinité met en mouvement le temps et les âges du monde »). Il est ainsi rappelé que le mouvement de transformation du monde et des communautés qu’il contient sont l’expression de la volonté divine voire s’inscrivent, dès le départ, dans le plan providentiel du Créateur. Cette histoire des communautés passe en effet par une succession d’alliances entre Dieu et son peuple, toutes liées par une longue trame eucharistique : colombe, vigne, sacrifice du bélier, agneau sur l’autel et eucharistie finale.