Amour du prochain
Motif iconographique
Saint Martin, légionnaire de l’armée romaine déjà engagé sur la voie de la conversion, voit un mendiant aux portes d’Amiens. Alors qu’il a déjà dépensé sa solde en aumônes, et désireux d’aider le miséreux, il coupe en deux sa chlamyde, et lui en offre une moitié. Cette scène très simple cristallise la vertu du légionnaire autour du manteau militaire, qui occupe une place centrale dans l’image. L’épée tranche précisément la pièce de tissu en deux, manifestation tout à la fois de charité et d’équité. L’épée est, du reste, un attribut que la tradition prête à la figuration allégorique de la Justice rendant à chacun ce qui lui est dû. Le geste équitable de saint Martin n’est donc pas seulement charitable, il est aussi geste qui, en étant charitable, accomplit la volonté de Dieu.
Dans la fresque, la chlamyde n’est pas partagée mais encore tenue par les deux protagonistes : elle établit un lien physique entre eux, et rappelle avec force que la charité est un lien, et même, qu’elle est un lien qui transcende les lois de la cité des hommes. Le don du manteau est en effet montré comme « socialement scandaleux » car les deux hommes reliés sont représentés dans une radicale altérité : la taille et la richesse du légionnaire cuirassé, la position que lui donne sa monture, le puissant mouvement de retournement de la bête, la distance morphologique qui sépare les deux corps, la nature de l’inscription même de ces deux corps dans l’espace, tout cela dit visuellement l’écart immense qui sépare saint Martin et le maigre mendiant à la robe trouée, dont les pieds nus s’alignent sur les pas du cheval. La fresque que Simone Martini a réalisée pour la basilique franciscaine met en valeur cette horizontalité humaine qui naît de la fraternité des humains unis dans le peuple de Dieu : aimer l’autre comme soi-même, c’est le considérer comme égal à soi en Dieu.