Amour dans la Trinité

Motif iconographique

Le dogme trinitaire, établi pendant le premier Concile de Nicée de 325, et défendu dans le De Trinitate de saint Augustin, affirme l’existence d’un Dieu unique (une seule essence, ousia) réunissant trois personnes égales et consubstantielles (hypostases/personnes), le Père, le Fils et l’Esprit saint. Elle est déclinée dans une série d’images qui relèvent d’une formule iconographique singulière, identifiée seulement dans ce manuscrit. Elle place des Trinités dans des formes circulaires dynamiques, au centre de cadres rectangulaires dont les angles sont habités par des anges musiciens ou thuriféraires, des musiciens, des moines et des fidèles dont les postures variables. Ces images figurent la périchorèse (rotation), l’union consubstantielle inscrite dans l’incessant mouvement d’amour par lequel le Père engendre le Fils dans l’Esprit. Elles déclinent une même vérité – le Dieu trinitaire est infini, inconnaissable, immuable et hors du temps – mais la puissance trinitaire, suprême et universelle, est accessible par l’expérience de ses effets et par l’enseignement de l’Église : invisible et inconnaissable dans sa forme trinitaire, Dieu peut donc être connu sous la forme d’images mentales, puisqu’il se tient aussi, et même d’abord, dans l’âme humaine.

Le folio 90r reprend le même schéma. Dans un cercle orné de huit astres clos, le Père et le Fils se joignent les mains et saisissent les serres de la colombe de l’Esprit saint, mis en valeur par un soleil doré d’où émanent des rayons ondés. À l’instar des feuillets de même type, cette miniature suggère l’idée d’une danse cosmique, un cycle infini entraîné par la musique des anges à l’attitude joyeuse, qui invitent le fidèle à contempler la Trinité à travers une composition sophistiquée faite pour la méditation. Le choix a été fait ici de représenter le Père et le Fils sous l’apparence très similaire de deux hommes barbus auréolés d’un nimbe crucifère qu’arbore aussi la colombe, de manière à souligner leur unité et leur consubstantialité. Élaborée à partir de la figure familière du Christ, cette image illustre le mystère de la Trinité en empruntant au monde créé un élément vital, l’astre solaire, dont la lumière impalpable drape les trois personnes divines, traduisant leur caractère invisible et immatériel, tout en soulignant l’ardeur du lien d’amour qui les unit. L’insistance sur le rayonnement et l’éclat de l’astre, matérialisés par les reflets de la lumière sur la feuille d’or poinçonnée, invite à une expérience sensible de cette lumière et conduit à une expérience intime de contemplation.

Construite à partir de motifs géométriques dominés par le cercle, cette image dynamique souligne la perfection divine en même temps que les limites de l’esprit humain, incapable d’atteindre une pleine connaissance de Dieu. La symétrie marquée par l’union des mains, la rotondité et la similitude des figures, intensifie le lien indissoluble de la Trinité, illustrant ainsi la doctrine augustinienne selon laquelle le Saint-Esprit personnifie l’Amour qui unit le Père au Fils.


Rédaction

Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Amour dans la Trinité » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://ocmi.inha.fr/s/ocmi/item/1119